Le dynamisme de l’événementiel d’entreprise est lié à celui du tourisme d’affaires, un marché dit MICE (Meetings Incentive Convention Events) qui englobe les congrès et les voyages d’affaires individuels et qui représente 8,2 milliards d’euros au plan national. Les événements d’entreprise reposent aussi sur le tourisme d’agrément, dont ils mobilisent les mêmes équipements et en partie les mêmes acteurs économiques. La société d’études Coach Omnium a identifié des tendances nationales en 2015, parmi lesquelles une activité en dents de scie et sans visibilité, malgré une hausse du marché MICE de 1,2 % par rapport à 2014, une réduction des budgets et temps de transport favorisant les sites de proximité. Elle révèle aussi la prédominance de la banque, de l’assurance, des associations et des fédérations parmi les secteurs initiateurs d’événements. On comprend dès lors la nécessité de “vendre” une destination dans son ensemble.
Une recherche d’optimisation
Comment réussir un moment fort ? Il doit refléter la culture de l’entreprise, souligne Lionel Berthet, directeur commercial de l’agence SA Events gérant 200 opérations annuelles. Un industriel, un laboratoire ou un distributeur n’ont pas les mêmes demandes. Pour réussir une convention, un séminaire, un anniversaire d’entreprise, une soirée de gala, une journée de teambuilding ou même une plénière rigoureuse, il faut aussi les scénariser… Les sociétés désirent optimiser leurs événements et en attendent un retour sur investissement, complète Frédéric Rochex, dirigeant de la société Insight-Outside, organisatrice de180 manifestations par an, dont 90 congrès. Les participants recherchent eux aussi une valeur ajoutée : que vais-je apprendre, qui vais-je rencontrer ? Si forme et fond doivent être également soignés, le sens est devenu essentiel avec une tendance de fond : l’événement collaboratif, le “faire ensemble”. L’agence SA Events, qui a intégré l’animation de groupes et le teambuiding dans ses compétences, a ainsi proposé en 2015 aux équipes de Richardson de partager avec leurs clients artisans la préparation d’un repas autour d’un chef étoilé avant de le déguster avec eux. Les séminaires internes mobilisent des intervenants et “facilitateurs”, notamment la société Auki ou Pierre Morize Conseil, qui dynamisent des réunions de grande ampleur et favorise l’expression de chacun par la technique des Team Boats. La société voironnaise Repère et Vision accompagne quant à elle ses clients (Boîte à Outils, Apicil, CEA, Personnaz..) en utilisant le sport comme levier de cohésion. Son dirigeant Gilles Hétreau a créé avec Xavier Dorfman, médaillé olympique en aviron, une démarche où alternent travail d’équipe au sol et pratique sur des plans d’eau. “Sur l’eau, la cohésion d’équipe est une évidence : sans elle, le bateau tourne en rond !”, explique-t-il. Il a récemment étendu son approche au basket en partenariat avec le Pays Voironnais Basket Club, et au biathlon avec les champions olympiques Xavier Blond et Marie-Laure Brunet.
Un lieu adapté à l’événement
Mais où organiser son événement ? Selon Coach Omnium, 31 % des entreprises optent pour leurs propres locaux, alors qu’elles n’étaient que 9 % en 2011. Pour une initiative “hors les murs”, l’hôtel reste le premier choix pour six entreprises sur dix, mais son intérêt faiblit, les lieux plus originaux étant de plus en plus recherchés. Quant aux Palais des congrès, leur attractivité auprès des entreprises est stable. Alpexpo, le plus grand espace événementiel de Grenoble, compte 3 000 places assises et une surface d’exposition de 42 000 m2 qui le place dans la même catégorie que ceux de Lille, Cannes ou Paris. Ses deux foires annuelles, le Salon de l’immobilier et le Salon dauphinois de l’hôtellerie et des métiers de bouche sont autant d’occasions pour les entreprises d’aller à la rencontre du grand public. Il reçoit aussi les grands salons professionnels Moutain Planet (900 exposants, dont 90 nouvelles sociétés en 2016) et Semicon Europa. Mais l’équipement grenoblois est dépassé par ceux d’autres villes, toujours plus qualitatifs sur de nombreux plans : technologie, modularité (essentielle pour capter les événements de taille moyenne), architectes de renom et bâti patrimonial reconverti. La France comptait 96 centres de congrès en 2011, ils étaient en 2015 plus de 120 et une vingtaine de projets supplémentaires ont été recensés. Les villes misent massivement sur ces structures : selon Atout France, les investissements dans les Parcs des Expositions et Centres de congrès français ont augmenté de 136 % en dix ans. Le WTC, deuxième équipement situé près de la gare de Grenoble, reçoit 30 000 visiteurs annuels lors de 200 événements, dont 150 organisés par des entreprises. Il est très utilisé par les banques (une conférence du Crédit Mutuel a fait salle comble fin 2015, optimisant l’auditorium de 530 places et l’atrium), mais aussi par Rolls Royce, Siemens, l’OPAC 38. La CCI y organise chaque année la Nuit de l’économie, qui rassemble en un même lieu la remise des trophées Présences retransmise par téléGrenoble, un repas de gala et un spectacle. La Maison Minatec, également très bien desservie par les transports en commun et de capacité comparable, est un peu plus orientée vers ses publics internes et le CEA. “Grenoble attire des événements dans ses domaines d’excellence”, note Antoine Rutigliano, dirigeant de Feu Follet. Cette agence événementielle a notamment géré l’organisation des rencontres d’affaires MedI’Nov mises en place par First Connection en partenariat avec le Cluster Santé Medic@lps, le pôle Minalogic et l’AEPI, qui ont réuni au WTC en mars 2016 plus de 200 concepteurs et fabricants de dispositifs médicaux. “Nous travaillons également avec le CEA pour la gestion de son showroom itinérant, un outil à géométrie variable – de 30 à 150 m2 – qui sera à Grenoble du 25 au 27 octobre pour le Semicon 2016, à Alpexpo”, complète le dirigeant de feu Follet. La société officie aussi depuis de nombreuses années dans des registres très différents. Elle met en scène par exemple des soirées de lancement de produits pour le groupe Huillier (concessions Mercedes-Benz), organise depuis plusieurs années le congrès des maires de l’Isère, rendez-vous annuel entre les collectivités et leurs fournisseurs, et elle a été choisie par le WTC pour assurer la fonction de régisseur général de ses manifestations.
La Nuit de l’économie au Centre de congrès du WTC Grenoble.
Classique, patrimonial, insolite, en altitude, au vert…
Les lieux d’accueil conditionnent-ils la réussite de l’événement ? La recherche de lieux inédits – ou rendus tels – est une tendance bien identifiée. L’adaptation entre public et capacité reste bien évidemment le premier critère. Pour réunir 10 à 200 personnes, les hôtels et centres d’affaires proposent des prestations de qualité. Les salles municipales récentes et bien équipées ont aussi investi ce créneau. La Locomotive à Vizille a ainsi accueilli un showroom et des débats autour de l’éco-rénovation organisés par EDF fin 2015. Le Réseau Initiative, l’ACCVE et CréAtis ont choisi L’Arrosoir à Voreppe pour rassembler 140 chefs d’entreprise lors d’un speed-dating en mars 2016. Des sites grand public sont privatisables, dont le Palais des Sports où ARaymond a célébré avec 1 500 collaborateurs son 150e anniversaire en mobilisant des prestataires locaux : Insight-Ouside, La Fine Fourchette, l’artiste Mot Paumés, auteur d’un slam consacré à l’entreprise… Le musée de Grenoble permet de coupler événement et visite de collections. Les rencontres économiques du Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes et du Medef s’y sont tenues début 2016. Au Stade des Alpes, enceinte exceptionnelle qui nécessite d’être investie”, souligne Lionel Berthet, SA Events a créé pour Hewlett Packard un pub éphémère adapté aux échanges informels, et cohérent avec l’atmosphère sportive. Le fort de la Bastille et son télé-phérique, à l’amplitude horaire annuelle la plus importante de France, constituent une “tour Eiffel” très différenciatrice. Diverty Events et SA Events, créateur de l’Accrobastille, lui ont associé des concepts ludiques et de teambuilding. Un bâti remarquable (le château de Sassenage, La Commanderie à Eybens…) contribue aussi au ton d’un événement.
Hôtellerie et restauration, deux piliers du tourisme d’affaires
La qualité de l’hébergement, déterminante pour recevoir des invités extérieurs ou des congressistes, a fortement progressé dans la métropole grenobloise. Ses atouts : des hôtels rénovés et connectés, un large panel de catégories. Mais le volume des nuitées d’affaires, soit 70 % des 1,2 million de nuitées touristiques, est deux fois moindre que celui de Strasbourg ou Montpellier. Le phénomène est aggravé par la concurrence des résidences hôtelières et freine les capacités de rénovation, déplore le président du Club Hôtelier Cyril Sarrasi. Quant aux prestations de traiteur, elles sont de plus en plus personnalisées et se répartissent entre des valeurs sûres officiant depuis des décennies (La Fine Fourchette, le Chardon bleu, Serge Magner…) et de nouveaux acteurs qui investissent des créneaux pointus, tel le traiteur bistroteur Archibald.
Les stations reçoivent aussi les entreprises
Spécificité de Grenoble, les stations sont aux portes de la ville. Le club euro-alpin organise des rencontres stations/entreprises afin de présenter leurs projets, explique Robert Aveline, élu à la CCI, en charge du tourisme montagne. Elles sont l’occasion, par exemple, de découvrir les salles équipées de Vaujany, les activités indoor et spectacles organisés dans son Palais des sports, ou encore le projet multi-activités envisagé pour le col de Porte. L’Alpe d’Huez dispose d’un vrai positionnement avec son parc hôtelier de près de 600 lits et son Palais des congrès offrant 1 000 places assises et plus de 30 activités indoor. L’attractivité du Vercors dépasse le cadre local : la Caisse des Dépôts a choisi de tenir son séminaire régional à Villard-de-Lans en 2015, et 1 000 managers sont attendus durant 3 jours à Autrans en mai 2016 pour la réunion nationale du réseau Germe. C’est aussi dans le Vercors que SA Events propose des réunions de travail en yourte, un cadre original pour resserrer les liens d’une équipe. Avec des prix avantageux en intersaison (janvier, fin juin), la montagne offre non seulement une nature à portée de main, mais de vraies prestations urbaines transposées en altitude. Elles peuvent se coupler à des solutions de transport (Perraud à Tullins, Actibus à Voiron, navettes aéroport-stations Benbus.co.uk …) et demain à de nouveaux transports en commun préconisés par le schéma de développement touristique métropolitain pour relier à la ville la Chartreuse, Belledonne et le Vercors.
Des pépites pour dynamiser les événements
Fidèle à sa réputation, Grenoble fourmille d’idées, pour la plupart digitales. Puzzle System propose une solution complète de gestion informatisée d’événements. Une nouvelle fonctionnalité du logiciel Inviteo d’Insight-Outside permet aux participants d’une manifestation d’optimiser leur temps et leurs prises de contact. Les “time lapses” ou vidéos accélérées d’Enlaps valorisent des événements sur Internet… Tout comme les vidéos montées en temps réel par Rocamroll. “Complex contents, simple videos”, annonce Minimento, qui synthétise et scénarise des données complexes, présentations scientifiques ou rapports d’assemblées générales, sous forme de vidéos brèves et porteuses de sens. “Notre méthode se situe au croisement de la recherche marketing, de l’ingénierie pédagogique et des sciences cognitives” explique Mathieu Verdon, cofondateur de cette start-up de cinq salariés qui a déjà séduit Inovallée pour son assemblée générale et la CCI de Grenoble pour les Oscars de l’entrepreneuriat. D’autres outils sont déjà répandus, tel le vote par SMS pour interagir avec le public. Au-delà de ces innovations techniques, des formes nouvelles d’événements apparaissent. Douze chefs d’entreprises isérois ont ainsi créé le salon mutualisé “Innovez pour gagner” pour recevoir d’autres chefs d’entreprise. La troisième édition s’est tenue au Centre de Congrès du WTC en mars 2016. Autre manifestation inventive, le centenaire organisé par les plateformes chimiques de Jarrie et de Pont-de-Claix, destiné au premier chef à leurs riverains, renforçant leur image d’entreprises citoyennes. Échelonné sur une durée de 15 mois, le programme monté en partenariat avec les deux communes et le musée de la Chimie de Jarrie propose des visites, des pièces de théâtre historiques, un projet pédagogique avec les scolaires, des projections et conférences. Pour la seule entreprise Arkema, une centaine de salariés et anciens salariés volontaires se sont impliqués, certains comme acteurs des pièces de théâtre, explique la responsable communication de l’entreprise, Anne Guillet-Caillot.
Après le travail
Deux tendances récentes bouclent ce tour d’horizon. La première est l’éclosion de salles ludiques avec énigmes, Challenge the Room et Live Escape à Grenoble, Only the Brain à Eybens, une alternative urbaine au défi sportif entre collègues. La seconde est le succès des afterwork, une pratique anglo-saxonne qui s’est codifiée et répandue. Réunir un service, une équipe projet ou un réseau professionnel pour se détendre après le travail, grignoter et ne pas rentrer trop tard : c’est la promesse de nombreux lieux parmi lesquels le restaurant de la Belle Électrique, le 365, Le Verre à Soi, le Gazetta Caffè… Établi dans l’immeuble de Digital Grenoble, l’espace CoWork in Grenoble organise lui aussi des afterworks et des “apéro pitch” où de futurs créateurs d’entreprises viennent présenter leurs projets. Le 28 avril, il accueillait Beer & Biz, l’événement de networking de Medicalps devenu itinérant.
Pour programmer un événement, par quelle étape commencer ? Grenoble et sa région disposent de multiples possibilités et acteurs pour monter un projet de qualité. L’essentiel est donc de s’interroger sur le retour sur investissement : veut-on resserrer les liens avec les clients, conforter les valeurs et l’image de l’entreprise, remercier les collaborateurs, leur permettre de se rencontrer sans distinction de métier, conforter la vision et l’efficacité d’une équipe, valoriser des résultats et des orientations ? Au-delà du lieu choisi et du budget investi, la première clé de réussite d’un événement est la cohérence de la forme et du sens. »
M.-C. Myard